· 

L'histoire par l'absence

odonymie

Les noms de rue sont toujours passionnants à étudier. Dans une ville ancienne, on peut parfois se baser uniquement sur ces noms pour raconter la plus grande partie de l'histoire du lieu. Ils nous indiquent les confréries importantes au Moyen-Age, les personnages réels ou légendaires qui ont marqué les esprits, les détails toponymiques anciens, conservés ou non, les grands événements, etc. 

Ils peuvent être imposés par la politique ou le bon goût. 

Ainsi, à la mort de Victor Hugo, ce grand personnage politique va prendre la place de très nombreux odonymes (odonymes = nom de rue) et trôner, de préférence dans le centre-ville, dans toutes les villes qui tiennent à leur image. Rennes n'y coupera pas (cherchez la rue Victor-Hugo ; regardez comme elle est bien placée dès 1885). 

Des noms qui disparaissent

Mais parfois, un nom qu'on s'attend à figurer en bonne place, et en coeur de ville qui plus est, est introuvable sur le plan de la ville ! Soyez certains que ça cache quelque chose et jetez-vous dans la recherche de la vérité !

Voici un bon exemple : la rue Danycan à Saint-Malo

La famille Danycan est une famille d'armateurs de première importance à Saint-Malo. Leur hôtel particulier, sis rue Chateaubriand actuelle, a disparu mais leur place majeure dans l'histoire de la cité est intacte.

Comment se fait-il qu'il n'y ait pas de rue Danycan dans l'intra-muros ??? Eh bien, il y en avait une ! Jusqu'en 1967 quand la fusion de Saint-Malo, Paramé, Saint-Servan et Rothéneuf a obligé à faire des choix ! Impossible de garder plusieurs noms de rues identiques dans une seule et même commune. C'est le quartier de Saint-Servan qui va garder sa rue Danycan pendant qu'elle disparaît dans l'intra-muros. 



Feydeau de brou le grand perdant de LA RECONSTRUCTION DE RENNES AU XVIIIème

Paul-Esprit Feydeau, seigneur de Brou (1682-1767) fait partie d'une famille, les Feydeau, dont les membres ont occupé de hautes fonctions judiciaires et administratives tout au long des XVIIème et XVIIIème siècles (rien à voir avec Georges Feydeau !).

Feydeau de Brou occupera la fonction d'intendant de Bretagne à partir de 1716 et jusqu'en 1728 avant d'aller continuer une brillante carrière à Strasbourg puis Paris. 

Il a laissé un nom de rue à Saint-Malo, dans l'intra-muros puisqu'il a eu un rôle majeur dans les accroissements successifs en tant qu'intendant. A Nantes, c'est tout un quartier, l'île Feydeau, qui lui rend hommage.  

 

Pendant ce temps, à Rennes 

Après le grand incendie qui ravage le coeur de Rennes en décembre 1720 (il y a 300 ans !), l'intendant de Bretagne va avoir le rôle principal dans les opérations de reconstruction. Il est l'émanation du pouvoir royal et à ce titre, c'est lui qui prend les décisions et qui finance. Pourtant, aucune rue de Rennes ne porte son nom ! Même pas dans les quartiers périphériques ! M'enfin ! Il y a forcément une explication, allons la chercher ! 

 

Trouvée !

Il n'a pas été nécessaire d'aller bien loin pour retrouver notre rue Feydeau. Elle était bien prévue dans le plan Robelin de la reconstruction de Rennes. Obligé ! 

Alors que s'est-il passé ? Regardez les 2 plans : l'orientation actuelle nous montre le bloc présidial/hôtel de ville/tour de l'horloge positionné à l'ouest de la place et non pas au nord comme vous le voyez sur le plan Robelin. L'hôtel du commandant n'a jamais été construit au sud de la place. Le théâtre de Charles Millardet a pris la place vacante au XIXème siècle et s'est positionné face à l'hôtel de ville. 

 

Sur le plan Robelin, il était prévu de placer l'hôtel de ville au nord, l'hôtel du commandant au sud, ce qui permettait de créer une rue qui porterait le nom de l'intendant de Bretagne, Feydeau de Brou. Cette rue Feydeau était idéalement localisée dans le coeur politique et administratif de la cité (la meilleure place !).

La rue Feydeau a donc disparu du plan de Rennes avant même la fin de la reconstruction du coeur de ville. Mais une autre question demeure : Pourquoi n'a-t-elle pas été placée ailleurs ? 

Je n'ai pas de réponse ....

AIG - 18/01/2021

 

 

 

Bibliographie

Gauthier Aubert et Georges Provost (dir), Rennes, 1720, l'incendie, aux éditions PUR (2020)

Écrire commentaire

Commentaires: 0