Cette année, l'administration de l'abbaye du Mont-St-Michel a tapé très très fort et ça fait mal !
Dans presque chaque salle, des œuvres d'art monumentales ont été installées, défigurant les lieux.
Je commence avec la lune gigantesque installée dans la croisée du transept de l'église abbatiale. Elle choque quasi systématiquement mes visiteurs car elle les empêche d'admirer le choeur gothique. J'avais eu l'occasion d'admirer cette lune quand elle fut accrochée au-dessus du bassin de nage de la piscine Saint-Georges à Rennes. Le lieu était pertinent et donnait une grande poésie à l'oeuvre sous laquelle nous nagions, émerveillés.


Au Mont-St-Michel, elle devient juste une énorme chose cassant l'ambiance et surtout empêchant de voir la magie du lieu, en l'occurrence ce choeur gothique de 25 mètres de haut, posé délicatement sur la crypte des gros piliers.
Ensuite, ça va de mal en pis. Une boule à facette trône au milieu du cloître ! Mais enfin ! Qu'est-ce qui leur a pris de faire ça ? Je veux bien imaginer que ça donne des éclairages très sympas en soirée mais tout au long de la journée, ça vient comme un cheveu sur la soupe : c'est désagréable et ça modifie le goût de la promenade.
Le pire du pire est sans doute dans le réfectoire des moines, merveille architecturale du XIIIème siècle qu'il n'est plus possible d'admirer car les ¾ de la salle sont occupées par une œuvre d'art qui restera mystérieuse puisqu'on n'est pas autorisés à monter sur le quai (l'accès en est réservé à des visites ponctuelles). Le résultat de cette gabegie : des bouchons quasi systématiques créés par l'étroitesse du passage restant dans la salle et des milliers de visiteurs désoeuvrés, ne comprenant rien à cette installation mais sommés de garder leurs questions pour eux puisque le silence est obligatoire et la salle militairement surveillée dans ce but de silence.
On sera plus clément avec les images de lune accrochées un peu partout dans l'ossuaire, renommé récemment salle de la roue (tient donc!). Ça fait des photos sympas et puis, on est juste dans les salles les plus anciennes de l'abbaye, pas de quoi fouetter un prisonnier !
J'ai oublié de citer zeus, le cheval des jeux olympiques (non, désolée, je ne mettrai pas de majuscules). Planté devant la façade néoclassique de l'église, il se met en route toutes les 4 minutes, créant un embouteillage systématique. Selon les brochures, il s'intègre merveilleusement dans ce cadre médiéval (j'ai dit façade néoclassique!). J'ai beau réfléchir, mobiliser mes 5 années d'études en histoire de l'art/histoire, je ne parviens pas à trouver un lien entre cette mécanique de précision et l'abbaye bénédictine.
Pour achever cet état des lieux, regardez dans chaque salle, chaque couloir : des caisses noires monstrueuses ont été posées absolument partout pendant qu'on obstruait de nombreuses ouvertures (« crypte » Saint-Martin, Salle des Chevaliers, etc).
Cet été, il aura fallu beaucoup, beaucoup d'imagination pour se représenter ce que fut le Mont-Saint-Michel et ce qu'il redeviendra quand toutes ces œuvres et matériels auront été retirés. Beaucoup d'imagination pour plonger dans la spiritualité du lieu, pour se figurer la vie des moines autrefois, pour admirer les techniques de construction du Moyen Age et rendre hommage aux génies des lieux.

Je forme un vœu : que l'été prochain, on revienne à plus de raison en ne profitant pas de la saison haute pour transformer le Mont-Saint-Michel en Disneyland pour attirer encore plus de visiteurs et créer encore plus d'insatisfaction pour les visiteurs du jour (je ne parle pas des visiteurs du soir qui ne viennent que pour l'effet spectacle et qui repartent apparemment ravis).
Anne-Isabelle
Je suis guide conférencière. Je consacre la moitié de mon activité à guider au Mont-St-Michel, essentiellement des anglophones.
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